L'agenda 2030 au Maroc : Objectifs de Développement Durable (ODD)

M. l’Amiral Jean Dufourcq, directeur de recherche à l’Ecole Militaire de Paris (France).

Rédigé le Lundi 8 Mars 2010 à 14:32 | Lu 2017 fois



Les atouts du Maroc à la croisée de trois continents

Merci de votre invitation à réfléchir à la dynamique du Maroc au 21ème siècle ; je l’aborderai en quelques idées simples de stratégiste, avec une vision extérieure de ses atouts.

L’art de la stratégie consiste essentiellement dit-on à concilier le maximum de diversité et de variété pour exploiter la richesse et le « relief » du milieu avec le maximum d’unité et d’intégration pour donner de la force et de la cohérence aux décisions prises et consolider les politiques publiques.

Chacun sait que le Maroc est confronté à une triple transition simultanée au début du 21ème siècle, une transition démographique, économique et démocratique, trois défis majeurs. Et que pour y faire face il dispose avec le HCP d’un instrument scientifique servi par une dynamique remarquable au service de l’analyse stratégique.

On peut aussi relever de l’extérieur que le Maroc est servi dans cette transition complexe par deux atouts fondamentaux.
• En effet, pour réunir le maximum d’intégration et d’unité, le Maroc dispose d’une monarchie moderne, ambitieuse et éclairée ; un atout incontestable en terme de confiance et de gouvernance.
• Et pour tirer parti de sa nature variée et de sa diversité, le Maroc peut compter sur sa position stratégique favorable au carrefour de trois continents.

Carrefour et plate-forme bien placée entre trois continents, le Maroc est une pièce maîtresse dans le puzzle intercontinental de la globalisation.

Cette position spécifique mérite quelques commentaires.

De la façade atlantique du Maroc, on peut jeter une solide passerelle vers l’Amérique avec quelques avantages clés.

• L’hispanidad dans laquelle baigne le Maroc qui favorise la relation avec l’Amérique latine, avec l’Amérique hispanophone.
• La communauté maroco-canadienne qui offre une importante ressource humaine qualifiée mobilisable.
• La relation de libre échange avec le marché nord-américain
• Le potentiel considérable de développement avec l’un des pays BRIC qui lui fait face en Atlantique, le Brésil qui s’affirme comme la puissance de l’Atlantique Sud.
Notons au passage que l’artère maritime transatlantique qui s’était développée pendant près d’un siècle au 50ème parallèle entre la côte canadienne et la côte anglaise est désormais installée 10 degrés plus sud, au 40ème parallèle vers l’ouvert de la Méditerranée, et précisément ces « portes de fer » dont le projet TangerMed illustre l’actualité.

La façade méditerranéenne du Maroc fait de ce pays un maillon fort du puzzle euroméditerranéen.
On connaît mieux cette disposition et sans la détailler on peut relever quelques points clés pour l’avenir :
• La discussion sur le statut avancé du Maroc dans l’UE qui porte de nombreux développements et à bien des égards constitue une démarche exemplaire porteuse d’avenir pour l’UE comme pour le Maroc.
• L’intégration euro-maghrébine qu’illustre l’initiative 5+5 dans laquelle est engagée le Maroc vient d’être citée par tous comme l’exemple à suivre pour dynamiser le projet d’Union pour la Méditerranée et relancer le processus de Barcelone.
• Le retard coûteux du non-Maghreb et la trop lente intégration maghrébine dont le Maroc possède l’une des clés.

La façade sahélienne du Maroc établit de fait le Maroc en pilote du couloir atlantique Nord/Sud qui relie la Méditerranée au Golfe de Guinée, par delà de la question sahraouie.

Cette fonction fait du Maroc un acteur important de la passerelle à structurer entre l’Europe et l’Afrique et favorise une normalisation dynamique de la relation UE/UA.

Pour conclure, on peut relever combien les équations stratégiques du Maroc et de la France sont comparables. Ce n’est pas une surprise pour deux pays qui sont chacun à leur manière le cap occidental d’un continent, pour la France l’européen, pour le Maroc, l’africain.

Chacun de nos deux pays possède trois axes stratégiques majeurs, le continental à l’est, l’atlantique à l’ouest et le méditerranéen au nord ou au sud. Chacun de nos deux pays a des intérêts et des responsabilités spécifiques selon ces trois axes. Cette symétrie géopolitique ouvre sans doute des champs nouveaux à une réflexion commune pour tirer mieux parti de cet avantage géopolitique important qui est de se trouver à cette position charnière.

Mais cette position n’est un atout que si nous savons dépasser notre tendance à l’individualisme qui peut nos empêcher d’en tirer avantage et autorité. JD

M. l’Amiral Jean Dufourcq, directeur de recherche à l’Ecole Militaire de Paris (France).
M. Jean DUFOURCQ
Directeur de Recherche à L’Ecole Militaire de Paris, France
Le contre-Amiral Jean DUFOURCQ, Directeur de Recherche

Analyste en affaires internationales et stratégiques, docteur en science politique, Jean Dufourcq exerce en tant que directeur de recherche au centre d’études et de recherche de l’Ecole militaire ; il est également professeur vacataire aux universités de Paris, Bordeaux et Beyrouth et conférencier régulier en France, en Europe et en Méditerranée.

Spécialiste des questions méditerranéennes, européennes et atlantiques, il prend régulièrement part aux débats stratégiques par ses publications académiques ou lors des séminaires universitaires qu’il tient dans ces disciplines ou auxquels il est régulièrement associé.

Il est engagé depuis près de dix ans dans des travaux sur le « bon voisinage stratégique en Méditerranée » et est le promoteur d’un réseau euro-maghrébin d’analyse stratégique. Il anime le groupe de recherche sur l'Union méditerranéenne (GRUM).

Ancien élève du Prytanée militaire et de l’Ecole navale, contre amiral (2ème S), auditeur de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (47ème SN), Jean Dufourcq a été conseiller à la Délégation aux Etudes Générales du Ministère de la Défense et au Centre d’Analyse et de Prévision du Ministère des Affaires Etrangères ; il a également été membre de la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles et chef du centre de recherche académique du collège de défense de l’OTAN à Rome.

L’essentiel de sa carrière maritime s’est déroulé dans les forces sous-marines pendant la guerre froide, à bord de sous-marins d’attaque et stratégiques, en Atlantique et en Méditerranée. Il a commandé en Méditerranée, le sous-marin d’attaque OUESSANT et en Atlantique, l’aviso-escorteur EV HENRY.

Publications récentes (2003/2008)
la valeur ajoutée de l’Union méditerranéenne Arabies (janvier 2008) • La crise de la planification stratégique AGIR n°32 (Nov 2007) • Pour une solidarité stratégique euro-maghrébine Géoéconomies n°42 (juin 2007) • Pour une nouvelle ligne stratégique : la réduction des vulnérabilités de la France in « Quelle politique de défense pour la France à l’heure de l’élection présidentielle » ouvrage collectif Défense/ L’Harmattan (mars 2007) • Dialogue transatlantique, (avec Peter Faber) /Transatlantic dialogue Défense nationale (Nov. 2006) • Les stratégies occidentales de sécurité à l’épreuve de la globalisation Politique étrangère 3/2006 • Le système du monde AGIR n°28 (Oct. 2006) • La défense de la France et la sécurité des Français au XXIe siècle Commentaire n°115 (Sep 2006) • Vers l’Europe stratégique Stratégique n°86/87 (Mars 2006) • France-OTAN : vers un rapprochement doctrinal ? (introduction) RMES/Ed Bruylant (Mars 2006) • Promouvoir la sécurité durable (introduction) NDC OP 12 (Février 2006) • L’altérité comme facteur stratégique/Otherness as a strategic factor Défense Nationale (Déc. 2005) • Régulations occidentales : quelle Alliance voulons-nous ?Défense nationale (Déc. 2004) • La guerre hors piste AGIR n°18 (mi-2004) • The transatlantic allergy Brookings CFE (2004) • L’intelligence de la Méditerranée NDC RP n°3 (2004) • Le pendule américain : en lisant Phil Zelikow Commentaire n°104 (12/2003) • Défense nationale ou solidarité collective face à l’insécurité AGIR n°13 (mid- 2003).